Lentement mais sûrement, l'offre de santé se privatise. Il est vrai qu'entre l'essor de l'exercice regroupé, le virage ambulatoire et les nouveaux besoins des seniors, l'offre de soins se transforme à vitesse grand V dans l'Hexagone. Une transformation qui recèle de véritables opportunités de croissance pour les opérateurs privés. Cette privatisation de l'offre de santé touche la plupart des métiers, des activités hospitalières aux pharmacies, en passant par les centres de santé ou l'accompagnement à domicile. L'effet taille et l'effet groupe sont à l'évidence les deux principaux leviers actionnés par les groupes privés pour alimenter leur croissance. Dans ce contexte émerge un nombre toujours plus important de « géants intégrés » à l'instar des groupes de cliniques, qui s'immiscent dans les soins de proximité, ou ceux du grand âge, dans les services à domicile et les résidences services seniors (RSS). D'ici 2024, le secteur privé commercial renforcera sa position sur presque tous les marchés de l'offre de santé et seniors, de l'avis des experts de Xerfi Precepta. Dans le sanitaire, les plus fortes hausses concerneront l'hospitalisation de moyen séjour (SMR et PSY) et l'HAD. En ville, le privé portera la croissance du parc de centres de santé. Et il poursuivra sa marche en avant dans les domaines des services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD) et de l'hébergement intermédiaire (RSS en tête).
Pour l'heure, la stratégie d'intégration des métiers du secteur privé commercial peut buter sur des caractéristiques et modèles économiques peu attractifs. C'est entre autres le cas des SAAD ou des services de soins d'infirmiers à domicile (SSIAD), victimes notamment d'un défaut de valorisation. Précisons que ces anomalies sont au cœur des enjeux des réformes en cours de ces services dont la création des services autonomie à domicile (SAD) avant fin juin 2023 constituera le point d'orgue. Soit autant d'éléments susceptibles de faire évoluer les acteurs privés à l'avenir.
La rationalisation systémique et aveugle des coûts constitue l'autre obstacle au développement des acteurs privés dans l'offre de santé. Des manquements graves en matière de qualité ont ainsi sérieusement fragilisé ces derniers mois les EHPAD et les centres dentaires, notamment après les scandales Orpea et Proxidentaire tant aux yeux des patients, résidents et aidants qu'aux yeux des autorités de tutelle et pouvoirs publics.
Le manque d'investissement dans les systèmes d'information santé, à l'image des acteurs du grand âge pour les fonctions opérationnelles ou cœur de métier, est également un écueil. Cela entraîne une sous-optimisation des stratégies de développement et entrave la coordination des prestations.
Le secteur public hospitalier s'est péniblement relevé en 2021 de la crise sanitaire, affichant un niveau d'activité en volume inférieur à celui de 2019. L'hôpital public reste en proie à de profondes restructurations et réorganisations symbolisées par une rationalisation des capacités hospitalières qui dépasse le cadre du virage ambulatoire et une montée en puissance poussive des GHT (groupements hospitaliers de territoire).
A l'opposé, le secteur privé a renoué dès 2021 avec des niveaux d'activité conformes à 2019. Engagé dans une démarche très avancée de substitution de capacités en hospitalisation complète par des places d'hospitalisation partielle, il poursuit son développement soutenu dans les activités de moyen séjour.
Le secteur public hospitalier n'a pas encore atteint le niveau de maturité organisationnelle et d'efficience des grands groupes de santé privés. Si la tâche est autrement plus ardue que pour ces groupes, les ajustements attendus d'ici 2024 au niveau des GHT doivent permettre au secteur public de freiner un repli qui offre à un secteur privé mature et dynamique l'opportunité de renforcer ses parts de marché dans de nombreux domaines et territoires.
Malgré l'émergence progressive de véritables « hôpitaux privés » avec de larges spectres d'activités, les 4/5ème des cliniques MCO (médecine - chirurgie - obstétrique) sont des établissements « polaires » ou « multipolaires ». Les 4/5ème des établissements SMR privés commerciaux sont des centres de soins de suite hospitaliers, services de soins de suite de petite taille rattachés à une structure de court séjour (MCO) et utilisés comme capacités de dégagement. En retrait dans les soins de longue durée, le secteur privé commercial occupe une place de choix dans l'hémodialyse et la radiothérapie externe. En clair, le privé commercial est engagé dans la création de « pôles d'excellence ».
Les groupes sanitaires stricto sensu comme Ramsay Santé ou encore ELSAN se partagent le leadership du secteur des cliniques privées commerciales devant des groupes spécialisés dans la prise en charge des pertes d'autonomie provisoires ou permanentes comme Orpea ou Korian. Les modèles économiques de ces groupes trouvent toute leur pertinence dans la valorisation de leur cœur de métier, qu'ils soient bâtis dans une logique de spécialisation dans le MCO, de multi-spécialisation et de complémentarité entre le MCO et les SMR ou selon une logique d'intégration d'une filière de prise en charge.
Auteur de l'étude : Jean-Christophe Briant
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