Pas moins de 377 centres de santé sont sortis de terre en France l'an dernier. Un nouveau record après une année 2021 déjà dynamique (+363 structures), portant ainsi le parc de centres en exploitation fin 2022 à plus de 3 120 unités dotées d'environ trois milliards d'euros de ressources, d'après les calculs des experts de Xerfi Precepta. Une croissance exponentielle mais déséquilibrée qui s'explique par l'explosion des centres dentaires et médicaux, la forte hausse du nombre de structures gérées par une association et enfin par une importante concentration des ouvertures sur la région Île-de-France qui ont respectivement représentés environ 80%, plus de 80% et quelque 40% des créations pérennes recensées entre 2018 et 2022. En clair, les associations ou réseaux d'associations urbains spécialisés dans les activités dentaires et/ou ophtalmologiques sont les structures les plus dynamiques du marché. La plupart des enseignes associatives s'appuient sur un fonds d'investissement pour financer leur croissance. All Seas Capital est par exemple entré au capital de Somed Santé en juin 2002. Sauf que la donne pourrait évoluer dans un avenir proche en raison du tournant législatif attendu en 2023 pour encadrer les activités dentaires, ophtalmologiques et orthoptiques dans les centres de santé ou leurs antennes. A tel point que si l'exercice en cours devrait s'inscrire dans la lignée des trois précédents (avec l'ouverture de plus de 300 centres), 2024 et 2025 pourraient en revanche signer l'éclatement de la bulle, de l'avis des experts de Xerfi Precepta.
La multiplication des incidents depuis 2018 (qualité des prestations, financements de l'assurance maladie ou conditions contractuelles des professionnels abusives) ainsi que le développement très rapide de réseaux dentaires et/ou ophtalmologiques dans des territoires déjà bien pourvus a en effet amené le législateur à réagir. La loi n°2023-378 du 19 mai 2023 visant à améliorer l'encadrement des centres de santé a ainsi vu le jour. Cette loi ambitionne d'encadrer les nouvelles activités pour recentrer le projet sur la santé et limiter les liens avec des structures supports privées commerciales. Concernant les activités existantes, il s'agit d'homogénéiser les pratiques et d'instaurer un nouveau standard de qualité. D'autres mesures complémentaires (qualitatives et coercitives) sont également mises en place. Outre les grands réseaux polyvalents Filieris et Oxance mais aussi les réseaux mutualistes, ce sont surtout les réseaux d'associations qui seront ciblés par ce nouveau cadre d'activité.
L'éclatement de la bulle de croissance du parc des centres de santé alimentée par les réseaux d'associations gestionnaires de centres dentaires semble dès lors inéluctable. Les années 2024 et 2025 s'annoncent de fait moins dynamiques en matière de développement du parc. Un effet ciseau avec, à la clé, une envolée du nombre de fermetures de structures et un rythme de créations bien moindre est attendu.
Cette nouvelle donne législative devrait également se solder par un coup de frein du côté des opérations de croissance externe en raison des incertitudes autour des autorisations d'activité des centres existants. Le réajustement du fonctionnement des structures actuelles (comme le système de rémunération des praticiens) devrait par ailleurs mettre à mal les stratégies de volume. Certains investisseurs pourraient ainsi se désengager de centres de santé associatifs, à l'image de G Square avec Dentego en mars 2022. A moyen terme, les opérations de build-up pourraient ainsi offrir une opportunité de sortie aux investisseurs et attirer de nouveaux candidats.
Finalement, l'encadrement des activités dentaires et ophtalmologiques devrait permettre un retour aux fondamentaux du marché. Dit autrement, cela se traduira par un recentrage de l'activité des centres de santé sur leurs missions prioritaires et un développement plus mesuré mais aussi plus sain du parc.
Dans ce nouveau contexte, les experts de Xerfi Precepta anticipent d'ici 2025 une progression du parc de 700 unités pour s'établir à 3 800 structures. Une croissance du marché qui s'effectuera dans le respect des équilibres entre optimisation de l'activité et attentes des patients et des professionnels de santé mais aussi en réponse à des besoins avérés par les projets régionaux de santé et leurs nouveaux schémas régionaux de santé (SRS 2023-2028). L'augmentation du nombre de seniors de 65 ans et plus et un accès aux soins toujours problématique notamment pour les plus précaires, malgré des efforts sur les reste à charge comme le 100% santé dentaire, expliquent ces perspectives encore séduisantes
Auteur de l'étude : Jean-Christophe Briant
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