Les Français, entre conscience des difficultés du système, et confiance aux établissements et professionnels de santé
En conséquence, un tiers des Français dit ressentir des difficultés à se soigner correctement, particulièrement en matière d'accès aux soins, tant géographique que financier. Par ailleurs, plus d'un tiers des Français a le sentiment qu'un soin nécessaire ne lui a pas été prodigué, ou qu'un examen ou un soin inutile lui a été prescrit.
Cette lucidité des Français sur le manque de moyens consacrés à la santé, mais aussi sur les marges d'amélioration du système (pertinence), s'accompagne en revanche d'une grande confiance - en augmentation par rapport à l'édition 2017 - envers les établissements de santé, tant publics (80%) que privés (78%) et les professionnels de santé (88%). Une fois encore, les considérations statutaires public-privé importent peu.
Dans ce contexte, le manque d'information constaté sur les urgences privées (67% des Français n'en ont jamais entendu parler) est significatif. Cela confirme la nécessité de mieux faire connaitre toute l'offre de soins en matière d'urgences, publiques comme privées, qui exercent toutes deux sans dépassement d'honoraires.
L'attachement et la confiance manifestés par les Français à l'égard des établissements et des professionnels de santé traduisent plus largement l'idée que, face aux difficultés rencontrées par le système de santé, les acteurs sont les mieux placés pour pouvoir contribuer à son amélioration.
Globalement l'indice de confiance en France n'est pas très élevé. Seul moins d'un Français sur deux (43 %) fait spontanément confiance à quelqu'un. On constate une forte disparité en fonction des générations : Près des trois quarts (67 %) des plus jeunes de 18 à 34 ans ne font pas confiance aux personnes rencontrées la première fois. Les personnes plus âgées (65 ans et plus) sont la seule classe d'âge à répondre majoritairement de façon positive à cette question : elles sont 58 % à faire confiance à une personne rencontrée pour la première fois. Ces chiffres sont révélateurs d'un climat général de confiance plutôt dégradé dans notre pays.
Dans ce contexte qui n'épargne pas grand monde, on constate toutefois l'augmentation globale de la confiance envers les acteurs garants de l'intérêt général. Le clivage de la confiance ne se produit pas entre acteurs privés ou publics, mais entre ceux jugés garants de l'intérêt général et ceux considérés comme dépositaire d'intérêts particuliers. Une fois de plus, notre étude d'opinion confirme cette tendance.
Parmi le quintet gagnant, on trouve les acteurs de proximité que sont les professionnels de santé (88 %), les établissements d'hospitalisation publics (80 %) et privés (78 %), l'armée (79 %), la police (76 %) et la gendarmerie (80 %). Les considérations statutaires importent peu aux Français : publics ou privés, les établissements de santé jouissent d'un large capital de confiance (en augmentation par rapport à 2017 : plus 4 points de confiance pour les hôpitaux publics, plus 8 points de confiance pour les cliniques et hôpitaux privés). On peut y voir une aspiration forte tant au soin qu'à la protection.
Que cela soit pour les professionnels ou les établissements de santé, l'indice général de confiance augmente (cf. données de l'édition 2017). Concernant les professionnels de santé, les Français considèrent en priorité que ces derniers ont de solides formations (46 %), qu'ils se consacrent au bien-être des gens (42 %) et qu'ils sont à l'écoute des patients (40 %). Concernant les établissements de santé, les Français considèrent en priorité que ces derniers ont des professionnels de qualité, compétents et bien formés (62 %), qu'ils sont dotés des bons équipements médicaux (53 %) et qu'ils prodiguent les bons soins (33%).
Globalement, ces attentes des Français autour de la notion d'intérêt général rejaillit sur leur conception du rôle des acteurs de santé. En effet, ils considèrent par exemple que les établissements de santé sont légitimes à prendre en compte des sujets comme la prévention (83 %), le repérage et la prise en charge des violences intrafamiliales (72 %), ou encore la contribution à la santé au travail et au bien-être des professionnels de santé (80 %) ... Finalement, comme dans n'importe quelle entreprise, les établissements de santé ont un rôle à jouer sur les problématiques sociétales, étroitement corrélées aux enjeux de santé.
En dépit d'un indice de confiance élevé, 67 % des Français estiment que le système de soins connait des dysfonctionnements majeurs. Les causes les plus citées ? Une pénurie de personnel soignant (71 %), ainsi qu'un manque de moyens financiers (53 %). Mais ils expriment aussi une crainte : près d'un tiers d'entre eux dit avoir des difficultés à se soigner, soit à cause de difficultés d'accès géographique aux soins (40 %) soit à cause de difficultés financières d'accès aux soins (27 %). 72 % considèrent que ces dysfonctionnements sont plus nombreux. Il y a donc bien une inquiétude dans notre pays sur l'avenir du système de santé, fondé sur l'absence de moyens d'une part, et sur l'accès aux soins d'autre part.
Même constat pour les établissements de santé : 64 % des Français estiment que ces derniers connaissent des dysfonctionnements. Ils les expliquent en priorité par l'épuisement professionnel du personnel soignant (74 %) et par un manque de moyens financiers (69 %). Une majorité de Français (73 %) estime que ces dysfonctionnements sont plus nombreux... et seulement 4 % d'entre eux estiment qu'ils sont moins nombreux. Un sentiment qui rejaillit sans doute sur les relations entre patients et personnels soignants. Ainsi, près d'un Français sur deux (48 %) estime que les patients, au fil des années, ont de moins en moins de considération envers les professionnels de santé.
Que cela soit pour les établissements de santé ou le système de soins, ce sont clairement les ruraux qui se sentent le plus pénalisés. Ce sont en majorité les habitants des zones rurales (71 % et 76 %) qui pointent les difficultés des établissements de santé et du système (61% et 60 % pour les habitants de l'agglomération parisienne).
Si 72 % des Français considèrent comme étant facile d'accéder aux professionnels de santé, un tiers d'entre eux (26 %) éprouve des difficultés. La encore, ce sont sans surprise les habitants des zones rurales (49 % contre 14 % pour l'agglomération parisienne) qui pâtissent d'un accès géographique plus difficile aux professionnels de santé.
En revanche, 75 % des Français préfèrent avoir recours à un médecin généraliste à moins de 15 minutes de chez eux, plutôt qu'à un centre de santé plus éloigné mais offrant une prise en charge complète. Cela traduit à la fois l'attachement légitime des Français à leur médecin, et l'importance, au regard de l'objectif de la fin de l'exercice isolé à l'horizon 2022, de sensibiliser à des nouvelles formes de proximité et d'exercice médical.
Sur le sujet de la pertinence des actes prodigués, 31 % des Français estiment avoir déjà effectué un examen de santé ou un soin inutile (66 % pensent le contraire). Et si 59 % des Français estiment que l'ensemble des examens ou des soins nécessaire leur a été réalisés dans une situation de soin donnée, un tiers d'entre eux (38 %) ont le sentiment que cela n'a pas été le cas. Ces données sont édifiantes sur le ressenti des patients en matière de pertinence des soins et des actes qui leur ont été prodigués.
Enfin, concernant leur consommation de soins, notamment de soins urgents, les Français s'estiment responsables : 82 % d'entre eux considèrent qu'ils n'ont pas eu recours aux urgences hospitalières pour un problème de santé qui ne relevait pas des urgences. 15 % y ont eu déjà recours alors que ce n'était pas nécessaire, les jeunes en priorité (17 %) plus que les personnes âgées (7 % pour les 65 ans et plus).
Une des solutions pour répondre à l'engorgement des urgences pourrait être le recours aux services d'urgence privés. Toutefois 67 % des Français n'en ont jamais entendu parler, et 58 % pensent qu'ils sont plus chers que les services d'urgence publics (3 % estiment qu'ils sont moins chers).
Un système dont les dysfonctionnements sont identifiés, mais des établissements et des professionnels qui bénéficient d'une confiance intacte, voire en progression : cette ambivalence, pour frappante qu'elle soit, offre une opportunité inédite pour l'avenir, laquelle consiste à ériger les acteurs de santé en fer de lance de la mutation d'un système, indispensable pour les années qui viennent dans l'intérêt de tous.
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